Doji Kyoshiro

Un nouveau samourai pénétra dans le hall d'entrée du Kyuden et observa les lieux avec attention. Il portait un kimono bleu et noir, dont le mon situé au niveau du coeur aurait étonné la plupart des rokugani de par ses couleurs. En effet, le mon du clan de la Grue n'avait pas les couleurs habituelles, mais était entièrement noir. Sur son bras gauche se trouvait un symbole qu'aucun rokugani n'aurait appelé "mon" sans perdre de suite sa place dans le grand Ordre Céleste. Seuls les représentants du Dieu Sombre le portaient, là d'où il venait...

Eh bien... Voilà donc l'endroit que ceux de mon monde on construit sur ces bien étrange terres... Nouveau monde, nouvelles moeurs... Espérons que leur accueil ne sera pas trop froid...

Tout en souriant ironiquement, le nouvel arrivant s'agenouilla près de l'entrée, fermant les yeux en attendant qu'on vienne le chercher

Au bout de quelques minutes, Kyoshiro entendit le froufrou caracteristique d'un kimono. Le samurai rouvrit les yeux. Devant lui, se tenait une charmante jeune fille aux yeux bleus et aux cheveux bruns. L'air ingenu, elle s'applatit sur le sol devant Kyoshiro toujours agenouille, salissant son beau kimono bleu :

K...kon-ni-chi-oua, noble voyageur, dit-elle d'une voix peu assuree. Je me nomme Bayushi Aiko, geisha, pour vous servir. Je vous en prie, suivez-moi et venez vous reposer en notre demeure. Vous pourrez alors nous dire l'objet de votre illustre visite.

Toujours plaquee sur le sol, la jeune fille attendit la reaction du visiteur.

Observant Aiko, le samourai se releva sans un mot, puis finit au bout de quelques instants par s'adresser à elle

Je vous suis... Néanmoins, y a-t-il un endroit où je pourrais déposer mes armes, afin de ne pas offenser mon hôte?

Patiemment, Kyoshiro attendit la réponse de la geisha en replaçant correctement son kimono

Aiko se releva doucement a son tour.
Oui, bien sur. Confiez-les moi, je vous prie. Je les rangerai en lieux surs et vous n'aurez qu'a me les redemander lorsque vous quitterez ses lieux.

Maintenant, si vous voulez bien vous donner la peine d'entrer ...

Aiko ouvrit la porte du Kyuden et attendit, inclinee, que Kyoshiro daigne entrer.

Kyoshiro déposa son daisho auprès de lui, faisant confiance à la geisha, puis passa la porte du Kyuden

Prenez-en soin... Ils sont particuliers...

Aiko fronca les sourcils a la remarque du samurai, mais ne dit rien. Elle invita Kyoshiro a s'assoir sur un des nombreux canapes moelleux qui parsemaient l'interieur du Hall d'entree, puis alla ranger precautionneusement ses armes. Enfin, elle revint avec un pichet d'eau, des gateaux secs et un peu de sake. Elle s'inclina a nouveau devant le visiteur.

Mon seigneur, puis-je vous permettre de vous demander ce que vous venez faire en ces lieux ?

Kyoshiro fut surpris de voir du sake sur ces terres, lui qui pensait qu'il n'en verrait pas, mais ne le montra pas. Il en porta une coupe à ses lèvres avant de répondre, encore une fois étonné du fait que le sake soit meilleur que ce à quoi il s'attendait. Une fois la coupe reposée, il répondit

J'ai entendu dire que d'autres exilés comme moi existaient... et que l'un de ces personnes n'étaient autre que mon Impératrice. Je suis donc venu aussitôt me présenter à elle, attendant ses ordres si elle en a pour l'humble serviteur que je suis...

En prononçant ces mots, le samourai baissa les yeux avec respect

Votre Imper...??!! Je...euh..vous voulez sans doute parler de Dame Kachiko non ?

Effectivement, oui, je parle de Dame Kachiko... Pourquoi cette surprise? Ne saviez-vous pas quel rang elle occupait avant d'arriver en ces lieux?

Eh bien non..enfin si...j'ai vaguement entendu les Daimyo en parler... Mais je ne connais pas grand chose a votre pays d'origine, ni meme sur le passe de mes maitres. Tout ce que je sais, c'est que Dame Kachiko, dans son infinie bonte, m'a prise sous son aile et m'a sauvee de la misere ou je vivais. Depuis je la sers le plus fidelement possible. Elle veut faire de moi ce qu'elle appelle une parfaite geisha, et espere retransposer en ces lieux l'atmosphere de..euh Rokugan je crois. Mais euh assez parler de moi... je vais l'avertir de votre presence. Je vous prie de bien vouloir patientez quelques instants.

Une heure plus tard, la Grande Porte du Kyuden s'ouvrit a nouveau pour laisser entrer une magnifique femme au port royal. Vetue d'un kimono bordeau et noir, ses cheveux noirs etaient maintenus en chignon par deux grandes aiguilles de cristal. Un fin masque de soie noire couvrait son visage. Derriere elle, suivait la jeune Aiko.

Konichiwa, noble visiteur,dit Kachiko d'une voix douce.

A la vue de la personne qui entrait dans la pièce, Kyoshiro s'agenouilla aussitôt et posa la tête contre le sol

Konnichiwa, Kachiko-sama. Je suis venu dès que j'ai su que vous étiez là...

Kachiko devisagea longuement le samurai agenouille devant elle. Au moins respectait-il le protocole, meme ici. Intriguee, elle remarqua le mon etrange du bushi. Elle reconnut le symbole du Clan de la Grue, bien qu'il ne fut pas tout a fait classique. Enfin, elle reprit la parole.

Relevez-vous je vous prie, Doji-san. Je suis honoree de votre presence en ces lieux. Et rassuree de voir qu'il existe encore certaines personnes sensees qui savent ou est leur place dans l'Ordre Celeste. Notre nouveau Kyuden est encore en construction, mais les principales pieces sont deja la. Faites comme chez vous, et n'hesitez pas a poser vos questions. Delain est une terre tres etrange pour nous autres, Rokuganis.

Kyoshiro se redressa, mais sans se relever. Son air quelque peu intrigué révèlait que quelque chose l'étonnait, mais il ne regardait pas Kachiko dans les yeux. Il se décida à poser la question qui le taraudait

Kachiko-sama... Je sais qu'aux yeux de l'Impératrice je n'étais sans doute qu'un parmi tant d'autres, mais... ne vous souvenez-vous plus de moi? J'étais magistrat à la cour de votre mari l'auguste Hantei XXXIX, louée soit sa puissance... Quelle ne fut pas ma surprise de savoir que vous étiez vous aussi ici...

Gardant les yeux baissés, mais toujours étonné par l'absence de réaction de son Impératrice, le samurai Grue attendait

Kachiko fronca les sourcils. Quelque chose n'allait pas chez cet individu, mais quoi ? Elle n'arrivait pas a le savoir. Elle tiqua au nom d'un de ses anciens epoux.

Hantei 39... Vous n'etes pas oblige d'en faire de faux eloges. Nous savons tous deux que ce fou a failli conduire l'Empire a la ruine. Heureusement, j'etais la...

Kachiko reporta alors son attention sur le samurai agenouille.

Je suis desolee, mais je ne me souviens effectivement pas de vous, Doji-san. Votre nom me dira peut-etre quelque chose...

Kyoshiro tiqua à son tour, mais ne le laissa point paraître. Gardant les yeux toujours baissés, il répondit

Kachiko-sama, je suis votre humble serviteur Doji Kyoshiro, Magistrat d'Obsidienne à la cour de notre glorieux Empereur Hantei XXXIX, que ses bienfaits soient éternels.

Mais... je ne comprends pas le sens de votre phrase au sujet de votre époux, je m'en excuse...

Il s'abaissa de nouveau

D'un coup, Kachiko se raidit. Elle claqua des doigts et aussitot, Kyoshiro put "sentir", plus que voir, une dizaine de gardes prendre place dans les ombres du Hall d'entree, autour de lui. Le visage de Kachiko etait maintenant ferme, et c'est d'une voix a peine audible qu'elle demanda :

Magistrat...d'Obsidienne ? Qu'est-ce donc que cette folie que vous me contez la, Kyoshiro-san ?

Se sentant cerné, Kyoshiro ne fit pas l'ombre d'un mouvement, tout en restant sur ses gardes. La situation était pour le moins dérangeante, car il ne comprenait pas ce qu'il se passait avec l'Impératrice...

Impératrice-sama, c'était mon titre à la cour du Dieu Sombre votre époux, voilà tout, ceci depuis la période après l'attaque ratée des Tonnerres... Si je vous ai déplu d'une quelconque manière, ma vie est votre. Néanmoins.. Je vous ai servi pendant toutes ces années, et je vous servirai encore en ces terres si vous le désirez...

Son visage impassible montrait sa détermination, mais il attendait avec impatience la réponse de la femme debout devant lui...

Le Dieu Sombre n'a jamais ete mon epoux. Il est mort le jour des 7 Tonnerres, tues par Doji Hoturi et Toturi. Ce que vous me dites est totalement absurde et ne signifie qu'une chose : ou vous etes fou a lier, ou vous avez contracte la souillure et vous delirez, prenant les reves du Dieu Sombre pour la realite. Dans tous les cas, vous representez un danger et vous comprendrez assurement que je ne puis vous laisser vivre plus longtemps.

Cela dit, votre volonte a me servir semble sincere...

Kyoshiro semblait maintenant résigné

Kachiko-sama, je vous demande humblement le droit de me retirer la vie, si ma présence est une offense à vos yeux je n'ai rien d'autre à dire... Pardonnez-moi de vous avoir importuné.

Le dos droit, le samurai attendait le jugement de son Impératrice

Kachiko reflechit un instant, avant de reprendre la parole.

Vous etes fou et dangereux Kyoshiro-san. Mais vous ne manquez ni de courage ni de loyaute. cela faisait longtemps que je n'avais vu un aussi noble samurai, bien que certains details en vous soient etranges. Votre desir de me servir a tout prix semble sincere, aussi serai-je misericordieuse pour une fois. Je vous autorise a continuer a vivre tel que vous avez vecu, a mon service. Meme si ici je ne suis plus que la Championne du clan Bayushi, et non une Imperatrice. Je garderai toutefois un oeil sur chacun de vos gestes.

Aiko va vous mener a vos quartiers. Derriere ces portes, se trouve la Grand'Salle du Kyuden, ou deja plusieurs de mes invites festoient en l'honneur de la creation du Clan. Plus loin vous trouverez les parties privees du Kyuden. Desormais ce palais sera votre toit, Kyoshiro-san.

Kyoshiro posa la tête sur le sol en guise de soumission, puis se redressa

Haï, Kachiko-sama, je suis et je resterai votre plus fidèle serviteur.
Je vais de ce pas aller saluer les autres habitants du Kyuden, et me reposer dans mes appartements.

Le samourai suivit Aiko, tout en murmurant

Fou? Peut-être... Dangereux, sans nul doute... Ceux qui se mettront sur votre chemin connaîtront ma fureur...